La plus célèbre des œuvres de Béla Bartók, sa Sonate pour deux pianos et percussion (1937) doit sa popularité à son effectif atypique et son matériau sonore ahurissant. Ses contrastes abrupts et la multitude de timbres recherchés impressionnent. Le principe d’utiliser le piano lui-même comme instrument à percussion,se trouve à la base de l’esthétique pianistique de Bartok, comme en témoignent d’autres de ses œuvres. Quant aux percussions, elles nécessitent deux exécutants : timbales, xylophone, caisse claire, grosse caisse, cymbales, triangle et tam-tam ! Cette sonate aux sonorités mordantes met à égalité les deux groupes d’instruments. D’une redoutable difficulté, elle varie entre obsession, brume sonore nocturne, thèmes joyeux, ton populaire et rythmes déchaînés.

Ce fort contraste se retrouve aussi dans Daydream and Nightmare de Lowell Liebermann, compositeur américain né en 1961. Dans le même esprit musical que la pièce de Bartók, cette œuvre est toutefois écrite pour deux pianos à huit mains (soit deux duos… soit quarante doigts !). Marie Vermeulin et Suzana Bartal invitent ici le jeune duo Shapran & Fazekas de l’Académie Piano-Piano. Composée en 2005, l’œuvre commence par une partie lyrique, comme enveloppée dans une atmosphère élégiaque, mais passe rapidement à une célébration tumultueuse. On sent que les pianos sont alors traités, comme chez Bartók (un clin d’œil ?!) de façon percussive. Autre clin d’œil, des citations ludiques, que nous pouvons reconnaître çà et là, de jazz, de ragtime ou même du répertoire plus classique.